France, septembre 2013, une économie "à la cape"

« Lorsque le navire est à la cape, le vent et la mer arrivent généralement par le travers, la vitesse est réduite ou limitée à la dérive due au vent ; le navire ne lutte plus contre les mouvements de la mer mais se laisse porter par elle. Cette allure est utilisée essentiellement dans le mauvais temps, pour limiter les efforts sur la coque ou au gréement, pour permettre à l'équipage de se reposer ou de s'alimenter ou pour effectuer des travaux qui demandent une certaine stabilité du navire.

Cette allure peut éventuellement être conservée jusqu'au retour à des conditions plus clémentes, à condition que le vent ne pousse pas le navire vers des dangers. »

Wikipedia, article Cape (nautisme)

« A la cape » décrit particulièrement bien l’état de l’économie française fin 2013. L’investissement y est atone et l’emploi n’évolue pas de façon suffisamment positive pour inverser la tendance à la hausse du chômage.

La conjoncture à la mi-septembre 2013 montre ainsi :

-une très légère amélioration de la situation fin 2013 ;

- un ralentissement des services alors que l’industrie continue de perdre des emplois ;

- des fermetures d’usines qui se poursuivent à un rythme inchangé ;

- des montants investis en forte baisse par rapport à 2012 ;

- de fortes disparités régionales.

Un signal positif : le troisième trimestre 2013 est en amélioration

Au troisième trimestre, l’économie française continue à perdre des emplois, mais à un rythme en réduction. Moins de 2 000 emplois nets supprimés au troisième trimestre 2013, contre plus de 6 000 à la même période de 2012. On peut ajouter qu’au 13 septembre, l’observatoire de l’emploi et de l’investissement de Trendeo affiche un solde mensuel légèrement positif, pour la première fois depuis neuf mois. La tendance est donc à une timide amélioration, comme le montre le premier graphique.

trendeo emplois france 2009 2013

trendeo créations et suppressions france 2009 2013

Comme l’indique le deuxième graphique, cette amélioration est encore fragile. Elle repose principalement sur le ralentissement des suppressions d’emplois, pas sur une reprise des créations. Ainsi, du deuxième trimestre au troisième trimestre 2013, les suppressions d’emplois ont baissé de 26%, mais les créations ont baissé de 19%. Ce différentiel conduit à une amélioration du solde entre suppressions et créations d’emplois, mais le ralentissement des créations d’emplois demeure. En l’absence d’une dynamique positive des créations d’emplois, on ne peut considérer que l’amélioration constatée est solide.

Les services subissent un coup de frein alors que l’industrie souffre toujours

Sur les huit premiers mois de l’année, la situation est dégradée par rapport à la même période de 2012 : les deux premiers trimestres de l’année 2012 avaient vu l’économie recréer des emplois, et ce mouvement s’est interrompu à la mi-2012. Entre ces deux périodes, c’est surtout le secteur du commerce qui a cessé de contribuer à la croissance des emplois : de 7 000 emplois nets créés de janvier à septembre 2012, on est passés à presque zéro en 2013. L’hôtellerie-restauration a également réduit d’un tiers ses créations d’emplois. Les secteurs des TIC (développement de logiciel, information, communication) ont réduit des deux tiers leurs créations d’emplois, passant de 6 000 à 2 000 emplois nets créés.

L’industrie manufacturière voit ses pertes nettes d’emplois creusées, de 14 000 suppressions nettes pour les huit premiers mois de 2012 à 17 000 pour 2013. Cette dégradation provient des secteurs des moteurs, de l’agroalimentaire, de l’ameublement, de la plasturgie et du caoutchouc. Dans l’industrie, la seule amélioration véritable en 2013 provient de l’industrie pharmaceutique, qui crée plus d’emplois qu’elle n’en supprime, pour la première fois depuis 2009. Depuis 2009, l’industrie française perd près de 140 000 emplois selon nos observations.

trendeo industrie 2009-2013

En 2013, seuls les secteurs du conseil et des services spécialisés améliorent leur situation, grâce aux bons résultats de l’ingénierie.

Fermetures d’usines : dégradation continue depuis la mi-2011

Depuis le premier janvier 2009, 1 253 usines ont fermé. Les fermetures d’usines lors des trois premiers trimestres de 2013 ont été identiques aux trois premiers trimestres de 2012 (191 et 192 fermetures respectivement). Mais les créations d’usines ont baissé de 25% en 2013 par rapport à 2012.  Le solde net des ouvertures et fermetures d’usines se dégrade donc. Cette tendance est continue depuis 2011 et l’on atteint, fin 2013, le chiffre de 613 pertes nettes d’usines depuis 2009 : pour deux usines qui ferment, une seule est recrée.

trendeo usines

 

Les montants investis en baisse de 55 %

Les créations d’emplois annoncées aux trois premiers trimestres de 2012 correspondaient à un montant global d’investissement de 74 milliards d’euros.

trendeo montant investissements

Pour la même période de 2013, ce montant s’élève à 25 milliards d’euros. Une partie de cette baisse s’explique par la baisse des créations d’emplois, mais joue également le fait que les emplois créés sont dans des secteurs moins capitalistiques. Le montant moyen investi par emploi créé, qui est la base de nos calculs d’estimation du montant global investi, varie en effet fortement selon les activités : de 100 000 € pour un emploi de vente à 3 M€ pour un investissement dans le secteur de l’énergie.

La combinaison de ces deux effets, baisse des créations d’emplois et investissements moins capitalistiques, rend la baisse de l’investissement plus rapide encore que celle de l’emploi : sur les trois premiers trimestres de 2013 comparés à la même période de 2012, la baisse est de 43% pour les emplois créés et de 56% pour les montants investis.

Des disparités régionales fortes

Depuis 2009, les onze premières régions françaises métropolitaines ont accueilli plus de 80 000 emplois nets supplémentaires. Ce sont des régions qui bénéficient de la croissance de secteurs dynamiques comme l’aéronautique ou le logiciel et souffrent moins des suppressions d’emplois dans l’industrie manufacturière (et dans l’automobile en particulier).

 Ces régions ne sont cependant pas insensibles à la conjoncture : pour 2013, le même groupe de onze régions connaît un solde des créations et suppressions d’emplois à peine positif.

Les onze régions les moins bien placées ont, pour leur part, perdu 38 000 emplois depuis 2009, dont 10 000 en 2013. L’Île-de-France représente, à elle seule, la moitié de ces pertes d’emplois.

La vraie reprise reste à venir

L’économie française poursuit fin 2013 une amélioration entamée en début d’année, qui est surtout faite d’une lente réduction des pertes d’emplois, un peu supérieure à la réduction des créations d’emplois. Comme l’écrit Wikipédia à propos des navires « à la cape » : « Cette allure peut éventuellement être conservée jusqu'au retour à des conditions plus clémentes, à condition que le vent ne pousse pas le navire vers des dangers ».

Telle quelle, la dynamique positive de l’économie française est donc fragile et soumise à une aggravation de la conjoncture internationale. Pour que la reprise soit solide, et durable, il faut qu’elle soit tirée par une véritable reprise des créations d’emplois. Il faudrait également que cette dynamique s’étende aux emplois de l’industrie manufacturière, car l’essoufflement des créations d’emplois dans les services montre que ceux-ci ne peuvent durablement relayer les pertes d’emplois industriels.

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